June Balthazard et Pierre Pauze, Mass, 2020. Œuvre initialement commandée par Hermès Horloger, Bienne, Suisse. © Courtesy of the Artist and Taipei Fine Arts Museum
Philippe Hoch im Opus Kulturmagazin Nummer 90
La mondialisation croissante des échanges économiques, l’intensification des mouvements de population, l’accélération du changement climatique et l’interdépendance généralisée qu’entraîne cette évolution invitent à considérer la Terre de manière globale, comme si, à l’instar des astronautes, nous pouvions la voir depuis l’espace. Pourtant, dans le même temps, le monde paraît plus divisé et fragmenté que jamais. Des tours new-yorkaises aux tribus amazoniennes, des métropoles d’Europe ou d’Asie aux villages africains, les conditions d’existence sont radicalement divergentes.
On peut dès lors affirmer, avec les commissaires de la 12e biennale de Taipei (Taïwan), que « toi et moi, on ne vit pas sur la même planète ». La version réduite de cette manifestation que propose le Centre Pompidou – Metz parvient sans peine à en convaincre le visiteur : en effet, la globalisation ne saurait empêcher, bien au contraire, une forme d’éclatement entre des modes de vie et des visions en tous points opposés.
Sur tous les continents, à leur échelle et armés des outils variés dont ils disposent, les artistes, les architectes ou les scientifiques apportent une forte contribution au « planétarium fictif » dans lequel gravitent des mondes incompatibles entre eux. La planète « Globalisation », celle des nantis, ressemble à la « Rivière des petits plaisirs » peinte par le taïwanais Huang Hai-Hsin, où l’opulence et la tranquillité sont menacées par les catastrophes qui se multiplient.
La tentation est grande alors de se réfugier à l’abri illusoire des frontières de la planète « Sécurité » où les murs tiennent lieu de fragile rempart. L’obsession d’une protection infaillible culmine dans le désir fou de quelques-uns, « immensément riches », de « quitter la Terre pour coloniser Mars », tandis que d’autres s’enferment dans des bunkers « survivalistes », à l’image de celui qu’a créé la plasticienne néerlandaise Femke Herregraven.
Face à ces prétendues alternatives, ne faut-il pas « redescendre sur Terre » ? Mais « où atterrir ? », demande le philosophe Bruno Latour, commissaire de la biennale asiatique et de sa version messine. L’urgence n’est-elle pas d’aménager une planète « Gaïa », en prenant soin d’elle et sur laquelle « nous pourrions vivre ensemble » ? Il conviendrait à cette fin d’adopter des comportements différents, empreints de respect et de sobriété. Le tableau que brosse l’exposition est au bout du compte celui de « guerres planétaires » auxquelles il est nécessaire de faire face, en ayant recours à une diplomatie réinventée, renforcée et revivifiée.
Jusqu’au 4 avril.