„Traverses“ de Leyla Habib © Neimester
Avec Traverses, Leyla Rabih fait entendre les destins des exilé.e.s
Traverses, développé en résidence notamment à neimënster, est un projet de théâtre documentaire qui a pour toile de fond les migrations récentes en Syrie. Récit de trajectoires humaines souvent dramatiques, de leur détermination incroyable à poursuivre leur existence et de leur force à se reconstruire malgré tout, il s’appuie sur les témoignages des réfugié.e.s rencontré.e.s en exil.
Leyla Rabih est metteure en scène et directrice artistique de la compagnie Grenier Neuf. Formée à la mise en scène par Manfred Karge au Conservatoire Supérieur Ernst Busch de Berlin, elle a concentré pendant 10 ans l’essentiel de ses activités en Allemagne. Avec Traverses, la metteure en scène franco-syrienne livre un travail de longue haleine sur les traces indélébiles que laissent les exils sur les réfugié.e.s.
Au printemps 2011, les premières manifestations pour la démocratie en Syrie suscitent l’espoir que le peuple puisse enfin s’émanciper de la dictature syrienne. Violemment réprimées, elles seront tuées dans l’oeuf par le pouvoir en place. Dès lors, Leyla Rabih va aller à la rencontre de réfugié.e.s, en France, en Grèce, au Luxembourg et au Liban, dans le cadre du programme Résidence sur mesure de l’Institut Français. Leurs témoignages constituent la matière première de Traverses, qu’elle mêle à des récits de voyage, des archives historiques sonores et visuelles, pour interroger les traces individuelles et collectives laissées par l’exil.
Lors de plusieurs résidences de recherche initiées depuis 2017 dans différents pays traversés par la vague de migrants, Leyla Rabih et son équipe réunit un corpus de témoignages, de parcours et de narrations, mais également des documents sonores et visuels.
Le parcours de certaines personnes – découvrant une liberté individuelle toute nouvelle – lui rappelle ses cours d’histoire, de la propagation d’idées nouvelles parmi les populations à l’émancipation de la femme, amenée à assumer de nouvelles fonctions dans la société́, au sortir de la Première Guerre mondiale. Leyla Rabih y voit un parallèle : au-delà du désastre pour les populations, la situation en Syrie peut aussi receler pour les individus des moments d’émancipation très forts.
Leyla Rabih a interrogé et filmé les exilé.e.s dans de nombreux pays traversés par les migrations. Frappée par les questionnements des ses interlocuteur.trice.s, elle s’est demandée si les personnes qui arrivaient à destination étaient les mêmes que celles qui étaient parties. Dans quelle mesure les exils modifient les identités individuelles ?
Pour tenter de répondre à ces questions, la metteure en scène et son équipe ont sillonné la France, l’Allemagne, la Grèce ou encore le Liban pour recueillir des témoignages et développer un projet entre théâtre, documentaire et performance pour raconter ces récits autant qu’elle se raconte.
Lors de ses voyages, Leyla Rabih s’est rendue compte au fil de ces rencontres que les communautés syriennes en exil étaient traversées par une double réflexion : d’une part, elles affichaient la volonté de s’ouvrir, d’autre part elles remettaient en question tout ce qui les a définies auparavant.
Suite à une première résidence de recherche et de traduction (été 2019), Leyla Rabih a étayé son travail autour des processus d’émancipation à l’oeuvre au sein des parcours de migration. Elle avait d’ailleurs émis le souhait de revenir avec son équipe à neimënster afin de poursuivre son travail et aboutir à une pièce de théâtre et travailler le dispositif scénique originel choisi pour la pièce. Comment vivre en déraciné.e.s et néanmoins nourrir une identité commune ? D’origine franco-syrienne, Leyla Rabih est intimement touchée par ces événements, qui se sont naturellement imposés sans son travail artistique.
Au fil du temps, les témoignages se sont mêlés aux biographies des comédien.nne.s, porteur.euse.s d’identités hybrides et métissées, pour créer un récit documentaire et intimiste. Ce travail de recherche et d’enquête a été mis à plat, nourri et développé au cours de deux résidences sur le site de neimënster. L’attention et l’écoute sont coeur de la scénographie. Le travail sur la distance est une façon de dépasser la convention de l’espace scénique. Les dispositifs d’attention – utilisation d’une carte, traçage des parcours au feutre – sont une façon de pousser les spectateurs et spectatrices vers l’acte.
Le public a eu l’occasion de se confronter à deux versions théâtrales proposées par Leyla Rabih. L’autrice a choisi de tester pour chacune des restitutions différentes variations de mise en scène. Le rapport aux témoignages, l’identification aux comédien.ne.s et l’immersion dans les parcours de migration furent perceptiblement transformés. Les réactions récoltées par les artistes ont été prises en considération et intégrées dans l’évolution de la pièce.
jeu 27.05 (20h) et ven 28.05 (20h). Tarifs 22 EUR (9 EUR réd., 1,50 EUR Kulturpass). En langue française. Réservation obligatoire par e-mail billetterie@neimenster.lu ou tél. (+352) 26 20 52 444.
Distribution
Leyla Rabih, conception et mise en scène
Philippe Journo
Elie Youssef
Jean-Christophe Lanquetin, travail scénographique et vidéo
Morgane Paoli, assistante à la mise en scène et à la dramaturgie